hyperflexion rollkur
  • Dernière modification de la publication :31 juillet 2025
  • Post category:Technique & Exercices
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Depuis plus de vingt ans, l’hyperflexion – ou Rollkur – alimente un débat passionné dans le monde équestre. Cette technique consiste à placer le cheval dans une attitude d’encolure extrêmement arrondie, le chanfrein derrière la verticale, souvent sur une durée prolongée. Certains cavaliers la considèrent comme un outil de gymnastique, d’autres la dénoncent comme une source de souffrance et de blocages physiques.

L’objectif de cet article est de clarifier ce qu’est réellement le Rollkur, d’expliquer pourquoi il a été utilisé, quels problèmes il pose, quelles sont les règles en vigueur aujourd’hui et quelles alternatives respectueuses existent.

Origine et définition de l’hyperflexion

Commençons cet article en introduisant l’histoire du terme Rollkur, les contextes dans lesquels il a été popularisé et les définitions qui permettent de le distinguer d’autres attitudes. 

Qu’est-ce que le Rollkur?

Le mot Rollkur est d’origine allemande. Il provient de «rollen» (enrouler) et «Kur» (courbure). Le terme a été popularisé par le cavalier et entraîneur allemand Uwe Schulten-Baumer, mentor de grandes figures du dressage comme Nicole Uphoff et Isabell Werth. Il désignait initialement une méthode visant à enrouler l’encolure du cheval pour le rendre plus souple et plus réactif.

Ce concept s’est inscrit dans une époque où la recherche de performances spectaculaires en dressage international dominait et où certaines écoles équestres mettaient l’accent sur le contrôle visuel et la domination du cheval.

hyperflexion cheval

Différence entre Rollkur, hyperflexion et LDR

👉 Rollkur / hyperflexion – flexion extrême et forcée, avec le chanfrein nettement derrière la verticale, souvent obtenue par une action contraignante de la main et de l’encolure.

👉 LDR (Low, Deep and Round) – attitude basse et ronde, mais censée être obtenue sans contrainte et sur des durées courtes, davantage comme un outil ponctuel.

👉 Travail bas et en avant – extension d’encolure naturelle, recherchée pour étirer le dos du cheval, sans fermeture excessive de l’angle nuque-gorge et toujours dans la décontraction.

⚠️ La distinction est capitale! La force et la durée définissent le caractère problématique du Rollkur et ont fait émerger un débat sur l’éthique et la santé des chevaux.

Disciplines concernées

Le Rollkur a été observé principalement en dressage, mais aussi dans le travail sur le plat des chevaux de saut d’obstacles et parfois en complet. Son usage s’est popularisé car certains pensaient qu’il améliorait le contrôle, le rassembler apparent et le rendu esthétique en compétition.

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Les objectifs recherchés de l’hyperflexion

Pourquoi cette méthode a-t-elle séduit certains cavaliers de haut niveau? Voici les arguments souvent avancés.

👉 Assouplir le dos et l’encolure – l’enroulement extrême forcerait les muscles à se relâcher et à gagner en souplesse. On pensait que cette attitude permettait aussi de mieux préparer le cheval aux figures rassemblées.

👉 Augmenter l’engagement des postérieurs – le cheval, «plié sur lui-même», abaisserait davantage ses hanches et reporterait plus de poids vers l’arrière-main, créant l’illusion d’un meilleur équilibre.

👉 Gagner du contrôle – en positionnant le cheval dans une attitude contrainte, il aurait moins de possibilités de s’opposer au cavalier et resterait plus concentré. Cela a été vu comme un moyen de maîtriser des chevaux puissants ou sensibles.

👉 Optimiser l’esthétique – en compétition, une encolure très arquée et un chanfrein proche de la verticale peuvent donner une impression de rassembler spectaculaire. Certains juges pouvaient valoriser cette image «spectaculaire».

Ces arguments sont aujourd’hui largement contestés, car ils reposent souvent sur une illusion visuelle. L’hyperflexion peut donner un cheval «impressionnant», mais bloqué dans ses mouvements, soumis, et parfois stressé, plutôt que réellement rassemblé.

rollkur cheval

Les problèmes liés à l’hyperflexion

Nous allons maintenant explorer les multiples conséquences physiques, psychologiques et sportives que l’hyperflexion peut entraîner chez le cheval.

Problèmes physiques

⚠️ Atteintes musculo-squelettiques

  • Les vertèbres cervicales (nuque, atlas, axis) subissent une pression excessive, ce qui peut provoquer des lésions à long terme. Des études vétérinaires ont montré que des postures prolongées derrière la verticale pouvaient altérer les articulations cervicales et réduire la flexibilité.
  • Les muscles de l’encolure et du dos sont contractés plutôt qu’assouplis, ce qui entraîne un fonctionnement biomécanique inapproprié.
  • Le dos se creuse, car l’angle nuque-gorge fermé empêche le cheval de tendre sa ligne du dessus et de véritablement utiliser sa sangle abdominale.

⚠️ Problèmes respiratoires

  • L’encolure repliée comprime la trachée: la respiration devient moins efficace et le volume d’air inspiré diminue.
  • Une oxygénation insuffisante entraîne fatigue, baisse de performance et parfois une mauvaise récupération après l’effort.

⚠️ Vision réduite

  • Dans cette posture, le cheval voit principalement le sol sous lui. Cette restriction de la vision périphérique peut provoquer anxiété et réactions de fuite. Elle limite aussi la capacité d’anticipation des obstacles ou des irrégularités du terrain.

⚠️ Conséquences à long terme

  • Arthrose cervicale, usure prématurée des ligaments, douleurs chroniques et diminution de la souplesse globale.
  • Diminution de la longévité sportive et risques accrus de comportements défensifs liés à la douleur.

Problèmes psychologiques

L’hyperflexion empêche le cheval de fuir, posture de survie naturelle chez un animal proie. Cette privation de choix entraîne un stress important et peut perturber la relation avec le cavalier.

👉 Signes fréquents:

  • langue qui sort, grincements de dents, queue qui fouaille, transpiration excessive, oreilles figées.
  • yeux écarquillés ou clignements rapides indiquant de l’inconfort.

À long terme, le cheval peut devenir apathique, se replier sur lui-même, ou au contraire développer des défenses violentes.

Problèmes sportifs

Contrairement à ce que prétendent ses partisans, l’hyperflexion d’encolure ne favorise pas le vrai rassembler:

  • le dos est bloqué et n’absorbe plus correctement les mouvements,
  • les allures perdent leur élasticité et leur amplitude,
  • le mouvement devient artificiel et mécanique, donnant une impression de rigidité.

👉 Résultat: le cheval subit la posture, plutôt que de se porter dans la légèreté, et le travail perd en qualité et en durabilité.

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Réglementation et éthique sur le Rollkur

Découvrons ici les mesures et décisions prises par les instances équestres internationales et nationales pour encadrer ou interdire l’hyperflexion, et les raisons éthiques qui sous-tendent ces choix.

La décision de la FEI

En janvier 2010, la Fédération Équestre Internationale (FEI) a clairement défini et interdit l’hyperflexion obtenue par la force. Cette décision a été prise à la suite de nombreux débats et pressions du public et des associations de protection animale, notamment après des vidéos controversées montrant des chevaux en Rollkur. Elle autorise uniquement le LDR, à condition:

  • qu’il soit obtenu sans contrainte,
  • que la durée soit inférieure à 10 minutes,
  • que le cheval conserve des signes de décontraction (rythme stable, contact souple).

Les stewards peuvent sanctionner toute hyperflexion prolongée observée sur les terrains FEI. La FEI a également formé ses officiels pour mieux détecter les abus et protéger les chevaux.

Fédérations nationales

Depuis le 1er janvier 2014, la Suisse a été le premier pays à interdire totalement l’hyperflexion, y compris à l’entraînement, la considérant comme une forme de maltraitance animale selon l’article 21 de l’Ordonnance sur la protection des animaux. Cette interdiction nationale inclut tous les cavaliers, même amateurs, et fait de la Suisse un exemple en matière de protection équine.

De nombreuses fédérations nationales, comme l’Allemagne, ont émis des recommandations pour proscrire le Rollkur, mais rares sont celles qui l’ont inscrit dans leur législation interne. Certains pays comme la France ou le Royaume-Uni s’appuient essentiellement sur les directives de la FEI et la vigilance des juges et stewards.

👉 La FEI reste donc la référence pour la compétition internationale et continue de mettre à jour ses directives pour renforcer le bien-être animal.

Alternatives respectueuses

Heureusement, il existe des méthodes efficaces et respectueuses qui permettent de muscler le cheval sans le contraindre.

➡️ Extension d’encolure (devant la main)

L’extension d’encolure consiste à encourager le cheval à s’étirer vers l’avant et vers le bas, dans un contact doux et constant. Le chanfrein reste légèrement devant la verticale. Cette posture:

  • détend le dos,
  • améliore la propulsion des postérieurs,
  • favorise la décontraction.

➡️ Variations d’attitude

Alterner régulièrement:

  • une attitude basse et ronde,
  • une attitude de travail plus relevée,
  • des extensions d’encolure rênes longues.

👉 Ces variations entretiennent la souplesse et évitent toute fixation posturale.

➡️ Transitions et déplacements latéraux

  • Transitions fréquentes (pas-trot, trot-galop, trot-trot moyen) pour activer l’arrière-main.
  • Déplacements latéraux – épaule en dedans, cessions à la jambe, contre-épaule en dedans pour engager et assouplir.

👉 Ces exercices encouragent le cheval à se porter lui-même, sans contrainte de main.

➡️ Barres au sol et travail varié

Les barres au sol ou les cavalettis sollicitent la proprioception, l’équilibre et l’engagement, tout en donnant au cheval un objectif ludique.

➡️ Encadrement des attitudes “round”

Le LDR ou attitude «bas et rond» peut être utilisé ponctuellement si et seulement si:

  • le cheval garde une bouche calme et un dos actif,
  • la durée est brève (2-3 min),
  • des phases de relâchement sont intercalées.

👉 Dès que le chanfrein passe nettement derrière la verticale, il faut redonner de l’avant.


L’hyperflexion (Rollkur) est une méthode issue d’une époque où la performance visuelle primait sur le bien‑être du cheval. Aujourd’hui, les connaissances scientifiques et la sensibilité du public ont évolué:

  • Cette posture forcée entraîne des douleurs, du stress et des blocages physiques,
  • Elle n’apporte pas de bénéfice durable au travail du cheval,
  • Elle est interdite par la FEI lorsqu’elle est obtenue par la contrainte, et totalement proscrite en Suisse.

Pour progresser en équitation, il est essentiel de rechercher la décontraction, l’auto‑portance et la souplesse par des méthodes douces: extension d’encolure, transitions, variations d’attitude, exercices latéraux. Un cheval qui travaille dans la légèreté et la confiance sera non seulement plus performant, mais aussi plus durable.

L’équitation moderne doit s’inscrire dans une logique de bien‑être partagé: un cheval respecté, écouté et compris sera un partenaire volontaire, et non un athlète brisé.